Le site-livre de recherche / cahier de recherche ouvert : une innovation éditoriale et méthodologique

L’esprit de la science ouverte juste (Piron, Regulus et Madiba 2016) et la quête de l’épistémologie de solidarité (Piron 2017) conduisent à innover dans l’édition et la recherche en sciences sociales. Le site-livre participatif de recherche (ou cahier de recherche ouvert)  est le concept que nous souhaitons expérimenter dans deux  projets, grâce à la technologie Pressbooks.

Pressbooks fonctionne sur la base du système de gestion de contenu numérique WordPress qui permet de réaliser des sites web composé de pages pouvant être commentées ou partagées. Pressbooks ajoute en plus une fonction qui permet de sélectionner certaines pages de ce site web pour les exporter en PDF ou ePub sous l’aspect d’un livre. C’est la technologie utilisée par les Éditions science et bien commun dont tous les livres existent à la fois sous la forme d’un site web, d’un PDF, d’un ePub et d’un livre imprimé.

L’idée centrale proposée ici consiste à ne pas séparer recherche et publication : la recherche est publiée au fur et à mesure de son déroulement dans un site web qui est aussi la matrice d’un livre. Chaque élément de la recherche (théories, méthodes, journaux de bord, données brutes et traitées, analyses, conclusion, références, annexes) trouve sa place dans un chapitre/page web du site-livre de recherche. À tout moment, il est possible de fabriquer un livre PDF, ePub ou imprimé à partir d’un certain nombre des chapitres/pages web du site-livre. Par exemple, on pourrait tirer d’un tel site-livre de recherche un livre sur la partie théorique ou méthodologique, un livre présentant les données, un  livre présentant seulement la synthèse des analyses, etc.

Ce mode de restitution d’une recherche en train de se faire rend aussi possible d’améliorer constamment le contenu et de le mettre à jour. Il favorise la co-écriture, de même que les possibilités d’écriture et de recherche multilingues, chaque chapitre pouvant se démultiplier dans d’autres langues que sa langue d’origine.

Ces sites-livres de recherche sont particulièrement bien adaptés aux méthodologies participatives ouvertes, qu’il s’agisse d’impliquer à toutes les étapes du projet un comité de pilotage composé d’actrices ou d’acteurs sociaux sensibilisés à l’enjeu étudié ou d’ouvrir le projet à la participation de personnes externes au projet qui pourraient notamment ajouter des données, commenter la théorie ou analyser les résultats, selon la philosophie de la science citoyenne (citizen science). Contribuer à une page d’un tel livre-site est en effet extrêmement simple et ne demande que des compétences numériques de base.

La méthode du récit de vie est aussi parfaitement adaptée au site-livre de recherche et à la science sociale ouverte et juste pour les raisons suivantes :

  • construire ensemble un récit de vie fait réfléchir de manière unique et approfondie autant la personne qui collecte le récit que celle qui en est l’héroïne et la narratrice
  • un récit de vie peut se construire plus facilement en langue locale (nationale ou supra-nationale) et ainsi mettre en scène les référents locaux, les « décors locaux », les enjeux locaux, l’épistémologie locale, ce qui le rend plus riche et plus signifiant pour les lecteurs et les lectrices locaux; la « désaliénation épistémique » peut être encouragée au moment de l’analyse.
  • un livre-recherche numérique n’offre aucune limite au nombre de récits de vie qu’il contient, ce qui permet d’en publier autant que nécessaire pour répondre aux questions de recherche et de générer des livres très intéressants pour les lecteurs et lectrices en dehors du cadre scientifique
  • l’analyse de nombreux récits de vie est une méthode reconnue de recherche compréhensive, les récits devenant des données.
  • Les chapitres sont donc à la fois des portraits et des données ouvertes que tout le monde peut commenter ou utiliser pour d’autres recherches, ces dernières pouvant en tout temps être ajoutées au livre-recherche.

Un tel dispositif peut servir à des étudiants et à des étudiantes, à des scientifiques, mais aussi à toute personne menant une recherche, un projet de recherche-action, un projet citoyen, etc.

Projets pilote :

  • Madan Sara d’Haïti (commerçantes)
  • Congolaises. Paroles de femmes pour la paix

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